10 04 10 - Gilles
Ecrire, c’est une envie qui te prend comme ça, au détour d’une pause dans tes révisions qui s’éternise[ent]. Telle une échappatoire à la réalité de ta petite vie dorée mais vide, d’étudiant. Cela te permet d’oublier que tu es en situation d’inconfort profond, mais ça au fond, tu t’en contre fous.
Peut-être, te dis-tu,
qu’en prenant le temps de coucher cela sur papier, ça ira mieux, peut-être.
Le temps, tu le passes beaucoup trop à réfléchir sur toi-même pour faire quoique ce soit d’autre. C’est surement là ton problème, ton égocentrisme. Tu commences la plupart de tes phrases par « moi » ou « je », tu aimes raconter ta vie à tes amis mais tu ne les écoutes pas avec assez d’intérêt. C’est pas que tu aies tellement l’impression d’être le centre du monde, qu’il n’y ait que toi d’intéressant, non, c’est juste que tu te complais dans tes certitudes, ta solitude, ton petit cocon, mais sûrement qu’un beau jour tu t’ouvriras.
En somme, pour le moment, tu es un con.
Tu es un con, ce mec tu le connais à peine, tu ne l’as vu que quatre fois et vous avez dû passer en tout et pour tout vingt-quatre heures ensemble… Et puis ce n’est pas comme si ça allait s’arranger, entre ses révisions, ses concours, ses vacances, sans oublier que tu as un semestre à valider, un boulot à gérer, un autre à trouver, des vacances familiales, des berlinades. Et au bout, finalement, ce sera la province pour lui, la capitale pour toi, la mort du peuple.
Malgré tout, tu t’accroches. Forcément, puisque tu es un con. Tu as envie d’y croire. Tu te dis que vous trouverez bien un moment pour vous retrouver. Même un court instant, le temps de plonger ton regard parfois hésitant, souvent insistant, dans le ciel du sien. Comme si tu étais allongé dans l’herbe, face contre ciel, tu essaierais de deviner les formes que cachent ses yeux, tu tenterais de comprendre ce qu’il veut te dire, ce que tu veux entendre. Tout le monde sait que l’on ne voit que ce que l’on a envie de voir dans la forme des nuages.
Et tu rêves encore, vous êtes baignés par un soleil doux et maternel de printemps, propice aux amours naissantes. Vous fumez, vous discutez, vous vous cherchez, inutile d’en faire beaucoup plus en réalité, vous vous suffisez l’un à l’autre.
Tu voudrais l’écouter te clamer toujours ces poèmes, toi recroquevillé, blotti contre lui sur le banc parisien. Au milieu du square envahi par les touristes, les enfants, le bruit des voitures et des sirènes couvre les chants de la cantatrice qui accompagne les grands chapeaux et les queues de pie sortants de l’église, et vous, vous êtes comme à l’écart du monde. Peut-être même a-t-il pénétré ton cocon, celui-là même qui hier te rendait si con.
Vous en oubliez votre faim, l’agressivité du soleil à son zénith, presque vos impératifs. Vous vous immortalisez, là, dans ces instants, comme si vous pouviez batailler contre le temps.